« Le défi majeur est l'accès aux communautés pour leur apporter l'assistance, malgré le contexte difficile», Kady BARRY, Chargée de la diffusion Croix-Rouge Burkinabè

La Croix-Rouge Burkinabè est l’une des institutions humanitaires, au premier plan de l'assistance aux personnes vulnérables au Burkina Faso. Avec le contexte du terrorisme, elle est beaucoup plus solliciter. Cependant, cela n'est pas sans conséquence pour les travailleurs de l'institution humanitaire. Pour en comprendre davantage, nous sommes allés à la rencontre de Mme Kady BARRY, chargée de la diffusion des principes et valeurs humanitaires à la coordination communication de la Croix-Rouge Burkinabè le 05 mai 2024. À travers cette interview, elle évoque les défis liés au travail de la CRBF, ses missions, entre autres. Découvrez avec nous l'intégralité de cette interview.

Infos24 :De façon succincte, que peut-on savoir sur la Croix-Rouge Burkinabè ? 

Kady BARR (KB) : La Croix-Rouge Burkinabè est une institution humanitaire créée le 31 juillet 1961 par décret présidentiel. Elle fait partie des 192 sociétés nationales de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge qui existent dans le monde entier. Elle est représentée dans les 45 provinces au Burkina Faso à travers les comités provinciaux. La Croix-Rouge Burkinabè a pour mission de contribuer à soulager les souffrances humaines en tout temps et en toute circonstance en mobilisant le pouvoir de l'humanité. 

Infos24 : La Croix-Rouge Burkinabè est parfois présentée comme une ONG : est-ce exact ? 

KB : Contrairement à une idée répandue, la CRBF n’est pas une Organisation non gouvernementale pour plusieurs raisons. L'appellation exacte est une institution humanitaire non-gouvernementale, une société de secours volontaire, autonome, auxiliaire des pouvoirs publics. 

Infos24 : Pourquoi vous n'êtes pas une ONG ?

KB : D'abord par notre décret de création. Nous avons été créés par l'État et nous sommes auxiliaires des pouvoirs publics. C'est-à-dire que nous venons en appui à l'État pour relever les défis humanitaires au Burkina Faso. Ce qui n'est généralement pas le cas des ONG. C'est vrai que les ONG agissent également dans le souci de soulager les souffrances humaines dans le pays. Seulement, notre acte de reconnaissance est un décret présidentiel, à la différence d’autres organisations de la société civile qui ont pour texte de référence administratif est un arrêté ministériel. Ce qui nous différencie encore des ONG, c'est qu'il ne peut y avoir deux sociétés nationales de la Croix-Rouge dans le même pays. C'est une seule société nationale. Et cette société nationale doit être ouverte à tous et étendre ses activités sur le territoire entier. En plus, cette société nationale a divers domaines d'activités. La CRBF intervient dans plusieurs domaines : santé-nutrition, éducation, eau-hygiène-assainissement, réponse aux catastrophes, développement communautaire, protection sociale, protection des liens familiaux, promotion des valeurs humanitaires, secourisme, etc. Notre organisation a une obligation formelle d’être présente dans les 45 provinces du pays, c’est-à-dire qu’elle doit avoir un étalement national, pour aider à soulager les souffrances des populations. Ce sont ces éléments qui forgent notre spécificité. 

Infos24 : Quels sont les domaines dans lesquels elle oriente ses interventions depuis juillet 1961 ?

KB : Nous avons beaucoup de domaines d'intervention, notamment celui lié à la préparation et la réponse aux catastrophes. Comme son nom l'indique, ce volet nous permet de mettre en place les mécanismes d’anticipation ou de gestion des situations de catastrophes diverses. Notre préparation consiste à dispenser des formations en secourisme, le pré positionnement des stocks d'urgence, à élaborer des plans de contingence, etc. C'est aussi le renforcement des capacités des communautés à travers l'information, l'éducation et la communication, etc. pour pouvoir apporter une réponse en cas de catastrophe à travers les assistances multi sectorielles. 

Les premiers secours ; l’un des domaines d’expertise de la Croix-Rouge Burkinabè

 

Il y a aussi la protection des liens familiaux. Vous savez quand il y a un conflit, les membres des familles sont parfois séparés. À la demande de ces membres, nous faisons de telle sorte que ces familles puissent se réunifier. 

Nous avons le domaine de la sécurité alimentaire et les moyens d'existence. Nous menons des actions visant à améliorer les revenus des personnes et ménages vulnérables, à faciliter leur accès aux services sociaux de base, à renforcer leurs moyens d'existence. Nous appuyons aussi au développement des activités génératrices de revenus des personnes vulnérables, l'appui à la transformation, à la commercialisation et à la conservation des produits locaux, etc. 

Remise d’un kit de vivres à une personne malvoyante

Il y a le domaine de la santé communautaire et la nutrition. L'un de nos objectifs majeurs à ce niveau est d'œuvrer à protéger la santé et la vie des communautés. Donc la contribution de la Croix-Rouge Burkinabè en matière de santé porte sur le renforcement de l'augmentation de l'offre de soin et la prévention des maladies endémo épidémiques. Pour cela, la Croix-Rouge Burkinabè travaille à rapprocher l'offre des soins auprès des communautés les plus vulnérables. Donc, nous appuyons l'État dans la sensibilisation aux maladies épidémiques, pandémiques, entre autres. 

Dans le domaine de l'eau, hygiène et assainissement et des abris, nous contribuons à la construction, à la réhabilitation des ouvrages hydrauliques, des ouvrages d'assainissement et nous contribuons également au renforcement des capacités des usagers de l'eau dans la gestion des ouvrages, etc. Nous distribuons également des kits Wash, c'est-à-dire des seaux, du savon, des bouilloires etc. aux communautés qui en ont besoin. Nous sensibilisons aussi la population aux bonnes pratiques en matière d'eau, d'hygiène et d'assainissement parce que nous remarquons souvent que cette approche est très importante pour l'entretien et l'assainissement du cadre de vie, etc. 

Le matériel non alimentaire fait partie des kits régulièrement distribués aux personnes affectées par les catastrophes

 

Dans le domaine de la communication et de la promotion des principes et valeurs humanitaires, c'est tout ce que nous faisons comme action de visibilité à travers nos plateformes de communication pour faire savoir aux populations ce que nous faisons. Nous faisons comprendre à tout public nos règles de travail et la manière dont nous travaillons c’est-à-dire nos principes fondamentaux. Toujours dans ce domaine, nous avons entre autres la communication des risques et l'engagement communautaire. Nous travaillons toujours avec les communautés qui sont, je dirai nos partenaires et nous les impliquons toujours dans ce que nous faisons. Cela facilite le travail sur le terrain.

Dans le domaine de l'éducation et de la protection de l'enfance, nous mettons en œuvre des projets et programmes visant à protéger et à renforcer l'encadrement des enfants en situation d'urgence. Ce sont aussi des actions de lutte contre le travail des enfants. Dans ce domaine, nous sensibilisons également les parents qui sont responsables des enfants. Nous menons aussi la lutte contre les violences basées sur le genre concernant les enfants. Nous contribuons aussi à l'établissement des documents d'état-civils des enfants vulnérables. 

Infos24 : Votre organisation travaille sur la base de sept principes fondamentaux. Dans le contexte actuel, ceux de l’impartialité et de la neutralité sont sujets parfois à des polémiques. Pourquoi les modes d’intervention de la Croix-Rouge Burkinabè interrogent une partie de l’opinion ?

KB : Comme toute organisation, la Croix-Rouge obéit à des règles de travail. Elle a des lignes directrices qu'on appelle les sept principes fondamentaux. Ces principes fondamentaux sont humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité. Toutes les actions menées par la Croix-Rouge sont dans le strict respect de ces 07 principes fondamentaux. Et c’est cela que nous nous efforçons régulièrement d’expliquer au public de façon générale, mais plus singulièrement aux personnes avec lesquelles nous travaillons. 

Notre neutralité et notre impartialité nous permet également de bénéficier de la confiance de toutes les parties, pour avoir la confiance des communautés et pouvoir accéder à ces communautés qui ont besoin de notre assistance. Notre objectif est d'assister les communautés les plus vulnérables. Là où il y a plus de besoins humanitaires, nous devons pouvoir apporter une réponse à ces communautés qui ont besoin de notre assistance. C'est la raison pour laquelle nous gardons cette neutralité. Nous ne nous mêlons pas aux conflits car cela n’est pas dans nos prérogatives. Notre préoccupation est de pouvoir assister les communautés qui sont dans le besoin. Nous apportons notre assistance sans distinction de race, de nationalité, d'appartenance sociale, politique etc. et objectivement par priorité des besoins. Les interrogations d’une partie de l’opinion sont peut-être liées à l’insuffisance de notre communication vers certains publics cibles. Nous en avons conscience, et c’est pourquoi, nous investissons tous les milieux où le besoin s’impose pour que les gens comprennent nos modes d’intervention. 

Dans les zones difficiles d’accès, la Croix-Rouge Burkinabè s’appuie sur les volontaires communautaires pour assistance aux plus vulnérables

 

Infos24 : Dans le cadre de l’assistance aux personnes vulnérables, quels types de collaboration entretiennent la Croix-Rouge Burkinabè avec les services techniques étatiques ? 

KB : Nous travaillons avec l'État, parce que nous sommes auxiliaires du pouvoir public. Nous assistons l'État dans le domaine de la santé pour la riposte contre les maladies endémiques, épidémiques, etc. Nos volontaires Croix-Rouge travaillent avec les agents de santé à base communautaire. Notre ministère de tutelle est le ministère de l'Action humanitaire. Certes, nous sommes indépendants, mais nous restons auxiliaires des pouvoirs publics. Nous travaillons toujours en collaboration avec l'État et nous sommes en bons termes avec les services techniques de l'État qui nous facilitent les interventions au niveau communautaire. 

Infos24 : Face à l’accroissement des besoins humanitaires liés au contexte national, quels sont les principaux défis de votre institution humanitaire ? 

KB : Le défi majeur pour nous est l'accès aux communautés pour leur apporter l'assistance. Le difficile accès à certaines localités rend davantage complexe notre travail, parce que nous restons convaincus de la persistance de nombreux besoins humanitaires encore à satisfaire. Conformément à notre mission, ces cas de souffrances humaines interpellent nos équipes et surtout nos consciences sur la nécessité d’y opérer en toute impartialité et neutralité pour aider les personnes dans le besoin. L'autre défi est la mobilisation des ressources. Avec la crise économique, les ressources se font rares. Donc il faut toujours travailler à mobiliser les ressources endogènes pour pouvoir mettre en œuvre des programmes d'assistance aux personnes les plus vulnérables. Pour ajouter aux défis, il y a aussi la compréhension de nos principes fondamentaux dans ce contexte actuel. Les réalités nouvelles appellent de notre part plus de communication et de sensibilisation pour assurer une compréhension de nos principes qui mettent l’humain au cœur de nos actions. 

Infos24 : Sur la base de vos retours d’informations ou d’expérience en lien avec vos interventions, quels sont les besoins prioritaires des communautés vulnérables à qui vous assistez sur le terrain ?

KB : Les besoins prioritaires des populations, c'est d'abord le besoin d'alimentation. Dans certaines zones du pays actuellement s’offrir un seul repas par jour est un luxe que ne peuvent plus se permettre de nombreuses personnes. L’autre besoin issu de nos évaluations porte sur les questions en lien avec la santé. Le besoin d’abris est une doléance qui ressort aussi de nos retours d’informations avec les communautés vulnérables, sans oublier les questions liées à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement. L’accès aux services sociaux de base nous interpelle aussi. 

Infos24 : Dans le contexte actuel, quelle est, la plus-value de l’ancrage communautaire de la Croix-Rouge Burkinabè matérialisé par ses volontaires et les comités provinciaux ?

KB : L'avantage de la Croix-Rouge est son ancrage communautaire. Les volontaires de la Croix-Rouge sont issus des communautés. Nous sommes présents dans les 45 provinces et dans chaque localité, il y a des volontaires Croix-Rouge. Ces volontaires sont issus des communautés où ils travaillent. Donc ils connaissent les us et coutumes, les pratiques, les traditions des communautés et cela nous facilite le travail sur le terrain. Ce sont les volontaires « qui font » la Croix-Rouge. Cet ancrage communautaire facilite l’implémentation de nos activités sur le terrain. Nous le disons haut et fort, sans les volontaires, la Croix-Rouge n'est rien.

Infos24 : La Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge commémorée le 08 mai de chaque année revêt une importance pour votre institution humanitaire. Pourquoi ?

KB : Nous célébrons chaque 08 mai la Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Cette date est en hommage au co-fondateur de la Croix-Rouge qui est Henry DUNANT qui était un citoyen suisse. Il est né le 08 mai 1828 et est décédé le 30 octobre 1910. Depuis sa mort, le Mouvement commémore la journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en mémoire à ce dernier. Cette journée est également l'occasion pour saluer le travail des volontaires des travailleurs du Mouvement international de la Croix-Rouge qui ne ménagent aucun effort pour pouvoir assister les communautés les plus vulnérables et souvent au péril de leur vie. La commémoration de cette année a eu lieu à Réo où nous avons procédé à une distribution de vivres et de kits d’articles ménagers à 200 ménages vulnérables des populations déplacées internes et autochtones de Réo. Nous avons mené toute une série d'activités dans les comités provinciaux comme des opération de don de sang, de salubrité, des émissions radiophoniques pour mieux nous faire connaître par les populations, des dépistages gratuits des lésions précancéreuses du col de l’utérus chez les femmes, etc. 

Infos24 : À l’heure de la raréfaction des ressources pour assister les populations, comment la Croix-Rouge Burkinabè compte-t-elle opérer pour mobiliser les ressources et continuer à venir en aide aux personnes vulnérables ?

KB : Effectivement, les ressources se font rares. C'est vrai qu'on a l'appui des sociétés nationales partenaires, notamment la Croix-Rouge d'Espagne, de Monaco, de Finlande, de Norvège, du Luxembourg, de la Belgique, de Danemark, de la Norvège. Nous avons aussi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui nous appuient financièrement pour la mise en œuvre des projets et programmes. Mais en tant que société nationale, nous développons certaines activités qui nous procurent des ressources qui participent de notre souci d’autonomisation afin de continuer à assister les personnes les plus vulnérables, notamment grâce à nos activités génératrices de revenus telles que les formations en secourisme, les écoles Croix-Rouge. Nous menons également des plaidoyers auprès d'autres bailleurs afin d'avoir des fonds pour mettre en œuvre nos programmes et projets. 

Pour finir, nous souhaitons que la paix revienne au Burkina Faso afin que les personnes qui sont en difficulté puissent être soulagées et repartir dans leurs localités d'origine où elles ont investi. Nous exhortons également les populations à adhérer à la Croix-Rouge en tant que volontaires afin que nous puissions ensemble faire agir l’humain en nous.

Propos recueillis par Mohamed OUEDRAOGO 

 

Mohamed OUEDRAOGO
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